Opinion

La mort d’Alexei Navalny: symbole d’une oppression?

Le 16 février dernier, Alexeï Navalny, ennemi numéro un du Kremlin, est décédé dans la colonie pénitentiaire de l’Arctique, alors qu’il purgeait une peine de 19 ans d’incarcération pour « extrémisme ».[1]

Alexeï Navalny, avocat et activiste politique russe, a fait de la lutte contre la corruption un objectif politique majeur. En 2007 il adhère au mouvement Narod (« Peuple »), et est à l’origine de plusieurs manifestations à l’encontre de l’autoritarisme du président Vladimir Poutine.

Acteur principal de l’opposition, avec sa femme Yulia Navalnaya, il a protesté contre les fraudes électorales suivant les résultats prévisibles des élections de 2012. Dans les années suivantes, il est la cible de plusieurs tentatives d’assassinat, attribuées aux services secrets russes. Survivant d’une tentative d’empoisonnement au gaz neurotoxique Novichok en janvier 2021, il devient un symbole de la résistance et de la lutte du peuple russe pour la liberté et la démocratie. Navalny est arrêté et condamné à dix-neuf ans de prison. [2] Puisque sa Fondation anticorruption accueillait de plus en plus d’inscrits ne craignant pas de faire entendre leur voix malgré les potentielles répercussions, combiné au fait que Navalny devenait de plus en plus renommé à l’étranger comme lueur d’espoir pour un avenir démocratique pour la Russie, il a commencé à être vu comme une menace concrète pour le régime autoritaire de Poutine.

Dans les années suivantes il sera régulièrement transféré d’une colonie pénitentiaire à l’autre, avant de trouver la mort en décembre 2023 dans la colonie pénitentiaire n. 3 de la localité de Kharp, nommé « Loup polaire », connue pour ses conditions de détention brutales. “La lumière du jour [était] présente moins de deux heures par jour”, écrit sur X Maria Pevchikh, journaliste et activiste russe anticorruption, qui a fui à l’étranger. [3]

Depuis son arrestation, il est soumis à des traitements considérés comme inhumains et dégradants. Des experts indépendants nommés par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies firent des appels à plusieurs reprises pour dénoncer les conditions épouvantables de la détention de Navalny, qui s’est vu refuser l’accès à des soins médicaux adéquats et ce, même après avoir été transféré à l’hôpital.[4] 

En août dernier, la Haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme Volker Türk souleva le probable harcèlement judiciaire et l’instrumentalisation de la justice russe à des fins politiques, appelant à la libération de Navalny. [5]

Mariana Katzarova, Rapporteuse spéciale de l’ONU sur la situation des droits de l’homme en Russie, a exprimé son inquiétude courant décembre, face à la disparition de Navalny.

Alice Edwards, Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la torture, déclara que plusieurs experts indépendants des Nations Unies, dont elle même, avaient exhorté le gouvernement russe à mettre fin aux conditions indignes dans lesquelles Navalny était détenu. [6]

L’annonce de la mort du dissident par les autorités russes provoqua une vague d’indignation, émouvant la communauté internationale. Une enquête sur les raisons du décès de Navalny ainsi qu’une demande de libération express de tout détenu pour raison politique en Russie furent exigées.

La Conférence des présidents du Parlement européen accuse Vladimir Poutine d’être responsable de la mort de son opposant politique.[7]

Yulia Navalnaya, veuve de l’activiste russe, s’est récemment adressée au Parlement européen. Dans son discours elle accuse les autorités russes, d’avoir orchestré le meurtre de Navalny à la demande du président russe.

Au sujet de Vladimir Poutine, elle aurait déclaré :  “ […] Vous n’avez pas affaire à un homme politique mais à un bandit qui a du sang sur les mains […] ”. Elle a continué en disant que, dans ce cas, être politiquement novateur signifiait lutter contre le crime organisé et non une concurrence politique.[8]

Aujourd’hui, Yulia Navalnaya est déterminée à poursuivre le combat de son mari. Dimanche 17 mars, à l’occasion des élections présidentielles russes, elle protesta, invitant les électeurs à déposer dans l’urne le slogan suivant : « Midi contre Poutine ».[9]

Peu avant son arrestation, Navalny confia au député de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe : J.Maire, la manière dont le FSB le traqua pendant 4 ans afin de l’empoisonner.

Ce modus operandi rappelle les purges staliniennes ne laissant pas à l’abri les dissidents les plus éloignés (l’assassinat de Trotsky au Mexique par un agent du KGB).

Il fut demandé à Navalny le pourquoi du recours à l’empoisonnement comme méthode d’assasinat politique. Ce dernier affirma que l’empoisonnement sert d’instrument pour semer la terreur, étant un avertissement pour tous ceux qui s’opposent au régime poutinien. [10]

Même si en Russie comme à l’étranger, une opposition demeure à l’encontre du président russe, la voie pour la « Belle Russie pour l’avenir » souhaitée par Alexeï Navalny reste incertaine comme le montre les résultats des dernières élections présidentielles des 15 et 17 mars. En effet,Vladimir Poutine  fut élu avec plus de 87% des suffrages. [11]

L’ASSEDEL prend position contre toute forme de persécution contre la dissidence politique, censée exister comme expression du pluralisme politique, principe cardinal de l’État de droit.L’ASSEDEL exige que des investigations indépendantes soient menées sous contrôle des institutions internationales afin d’éclairer le contexte du décès d’Alexeï Navalny, et que tout prisonnier politique ou citoyen ayant participé à des protestations soit immédiatement et inconditionnellement libéré.Enfin, l’ASSEDEL soutient tout acteur défendant les droits humains sur le sol russe (qu’il s’agisse d’ONG, d’organes de presse, d’instances internationales, de militants et dissidents, d’acteurs politiques engagés sur cette problématique).

Fiammetta Bosso


 

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