Rémi Fraisse, un militant écologiste de 21 ans, a perdu la vie dans la nuit du
octobre 2014 lors d'affrontements autour du chantier du barrage de Sivens, dans le
Tarn. Il a été tué par l'explosion d'une grenade offensive lancée par un gendarme
au cours d'une opération de maintien de l’ordre.
Après plus de dix ans de batailles judiciaires, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH)
a rendu, le jeudi 27 février 2025, un arrêt remettant en cause la décision initiale de
la justice française dans cette affaire.
En janvier 2018, la justice française avait prononcé un non-lieu, estimant que le
le gendarme ayant lancé la grenade n’avait pas commis de faute pénale, son action
s'inscrivant dans les règles d'usage de la force conformes au cadre légal français. Cette décision avait provoqué une vive
controverse et conduit à la saisine de plusieurs instances juridiques, notamment la CEDH.
Le tribunal administratif avait cependant condamné l’État à indemniser la famille de Rémi
Fraisse sans pour autant reconnaître de faute
dans la gestion du maintien de l’ordre.
Dans son arrêt, la CEDH a jugé que la France avait violé l’article 2 de la Convention européenne
des droits de l’Homme, relatif au droit à la vie. La Cour a mis en lumière des "défaillances
dans l'encadrement, la préparation et la conduite des opérations litigieuses".
En conséquence, la France a été condamnée à verser des indemnisations allant de 5 600 à 16 000 euros
aux proches de Rémi Fraisse, ainsi que des frais de justice, en réparation du préjudice moral
subi.
Selon Claire Dujardin, avocate de plusieurs membres de la famille de Rémi Fraisse,
cette décision historique marque une reconnaissance explicite des graves manquements
de l’État en matière
de maintien de l’ordre.
La CEDH a notamment pointé la dangerosité des grenades offensives OF-F1
et l'absence d'un dispositif de contrôle efficace quant à leur utilisation, qualifiant cette négligence
de faute grave de l’État.
L'affaire Rémi Fraisse s'inscrit dans une série de cas marquants de violences policières en France,
notamment l'affaire Zineb Redouane, décédée à Marseille en 2018 après avoir été touchée par
une grenade lacrymogène, ou celle de Cédric Chouviat, mort en 2020 à la suite d'une
intervention policière violente lors d'un contrôle routier. Ces affaires ont ravivé le débat sur les pratiques du maintien de l'ordre
en France et les responsabilités de l'État dans l'encadrement
de l'usage de la force.
Ce verdict illustre également l'importance du droit comme outil militant. La persévérance de
des proches de Rémi Fraisse et de leurs avocats démontre que les recours juridiques peuvent aboutir à
une reconnaissance des fautes de l’État et offrir un espoir pour les victimes de violences policières. Une
des membres de l’ASSEDEL a réalisé un dossier de recherche (uniquement en français)
sur l’usage militant du droit dans le cadre des luttes contre les violences policières, que nous vous invitons à consulter en version PDF jointe si
le sujet
vous intéresse.
Sources :
https://www.leclubdesjuristes.com/justice/mort-de-remi-fraisse-la-france-condamnee-par-la
cedh-9624/?
https://www.france24.com/fr/france/20250228-mort-r%C3%A9mi-fraisse-cedh-condamnation
france-apr%C3%A8s-dix-ans-bataille-judiciaire-sivens-justice-gendarmerie-grenade?
https://fr.wikipedia.org/wiki/Mort_de_R%C3%A9mi_Fraisse?
https://www.politis.fr/articles/2025/02/justice-luttes-mort-de-remi-fraisse-la-cedh-condamne-la
france/
https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/02/27/mort-de-remi-fraisse-la-condamnation-de-la
france-par-la-cedh-va-a-contre-courant-des-conclusions-de-la-justice_6567620_3224.html