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Opinion

Le droit à un recours effectif devant un juge impartial : la société civile en terrain hostile

Depuis 2019 les étudiants de Polytechnique de Saclay se révoltent contre le géant de l’énergie Total. En effet ce dernier a longtemps souhaité s’implanter à proximité du campus en construisant un centre de recherche et d’innovation [1]. 1 Entre prise illégale d’intérêts et non-respect des normes environnementales, Total Energie a suscité et continue de susciter la colère de plusieurs associations, dont la Sphinx, association d’étudiants de Polytechnique dédiée à la défense des enjeux environnementaux [2]. 2 But that is no longer the heart of the matter. By taking legal action, the Polytechnique students had no intention of opening Pandora’s box and facing other serious legal issues that infringe freedom of association and the right to a fair trial.

Même si le projet d’implantation a finalement été abandonné par l’entreprise Total, la bataille juridique est loin d’être terminée pour les étudiants de Polytechnique.

Une première action en justice : le rejet du tribunal administratif

In April 2021, three associations (La Sphinx, Anticor and Greenpeace France) filed a complaint with the Paris Public Prosecutor’s Office against Patrick Pouyanné, CEO of Total Energie, on the grounds of illegal interest-taking. There are several indications that he may have taken advantage of his position as a member of the Board of Directors of the École Polytechnique to intervene, on behalf of Total, in the decision-making process that led to the final agreement given by the Board. 3

En parallèle, l’association la Sphinx a saisi le tribunal administratif de Versailles pour un référé suspension et un recours en annulation [4]4 contre le permis de construire accordé à Total par la mairie pour l’implantation de leur bâtiment. Un référé suspension est une procédure d’urgence qui vise à suspendre l’exécution d’une décision faisant l’objet d’une requête en annulation ou en réformation. Ce mécanisme peut être déclenché lorsque l’urgence le justifie et lorsqu’un doute sérieux se pose quant à la légalité de la décision contestée. 5

Par une ordonnance délivrée quelques jours plus tard, le juge des référés du tribunal administratif a rejeté cette demande. En cause pour ce rejet, l’invocation de la loi ELAN qui modifie l’article L. 600-1-1 du Code de l’Urbanisme [5]. 6 Cette loi établit que, pour pouvoir agir contre une autorisation d’urbanisme, une association doit avoir déposé ses statuts au moins un an avant l’affichage de la demande d’autorisation. In this case, the interim relief judge of the administrative court pointed out that the association’s amended status had been filed less than a year before Total’s application for planning permission was posted at the town hall, thereby justifying the rejection of the petitioners’ application. However, the student association did not stop there, and referred the matter to the Conseil d’Etat, arguing that the right to legal recourse had been flouted, despite the French Constitution.7

Restreindre l’accès à la justice pour certaines associations : mesure constitutionnellement conforme ou entrave au droit au recours ?

La Sphinx, joined by France Nature Environnement, appealed to the Conseil d’Etat to overturn the order handed down by the Versailles administrative court and to refer a “question prioritaire de constitutionnalité” (QPC) to the Conseil Constitutionnel.8 The Conseil d’Etat ruled in favor of the association, recognizing that “the question of the infringement that these provisions have on the rights and freedoms guaranteed by the Constitution, in particular the right to appeal guaranteed by article 16 of the Declaration of the Rights of Man and of the Citizen, is of a serious nature”.9

In pointing to the serious and potentially unconstitutional nature of the ELAN Law, the Conseil d’Etat highlights the endangerment of certain fundamental freedoms such as access to justice. Indeed, while the primary aim of the ELAN law is to avoid abusive appeals, its effect is quite different: this law deprives certain associations of legal recourse in town planning matters.

But doesn’t French laws have to respect the French Constitution, which in turn obeys the Declaration of Human and Civic Rights (DHCR)? And doesn’t article 16 of the DHCR enshrine, in particular, le droit à un recours effectif before an independent and impartial judge? Doesn’t this article guarantee that the other rights and freedoms proclaimed by the French Constitution will be respected?

Certes l’application de certains droits, dont le droit au recours, peut connaître des exceptions mais uniquement si celles si sont légalement justifiées. Or en l’espèce comment justifier que la durée d’existence d’une association détermine si cette dernière a recours à la justice de manière abusive ? C’est la question que les associations (la Sphinx et FNE) ont posé au Conseil Constitutionnel. 10

La Décision du Conseil Constitutionnel : une évaluation de conformité constitutionnelle questionnable et partiale

Les associations concernées ont saisi le Conseil Constitutionnel afin de déclencher un examen de Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) concernant la loi ELAN. La QPC est un mécanisme prévu à l’article 61.1 de la Constitution française et qui permet d’examiner à postériori la conformité d’une loi déjà promulguée à la Constitution française. C’est par une décision du 1er Avril 2022 que le Conseil Constitutionnel déclare la loi ELAN constitutionnellement conforme.11 In other words, the nine judges sitting on the Council saw no provisions in this law that contravened the freedoms guaranteed by the French Constitution. The ELAN law does not unjustifiably or illegally hinder associations’ right to access justice.

Si l’on pourrait penser que la bataille juridique s’arrête ici, ce n’est pas le cas. En effet les associations portant ces actions en justice, et notamment France Nature Environnement, remettent en cause cette décision de QPC. D’une part, les justifications apportées par l’Etat Français devant le Conseil Constitutionnel sont faibles et ne mettent pas clairement en lumière le lien de causalité entre la durée d’existence d’une association et son intérêt à agir en justice. D’autre part, les associations soulignent que parmi les juges du Conseil Constitutionnel, deux sont d’anciens ministres ayant activement participé à l’élaboration et l’adoption de la loi contestée. En effet Mme Jacqueline Gourault et M. Jacques Mézard, tous deux anciens ministres de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, ont porté le projet de loi ELAN.

Ainsi se pose la question de l’impartialité des juges. Comme expliquer plus haut, la Constitution française obéit à la DDHC, qui elle-même consacre le droit à un recours effectif devant un juge indépendant et impartial. Comment est-il concevable que d’anciens ministres rendent un jugement impartial sur une loi dont ils sont à l’origine ?

C’est pourtant bien ce que prévoit le règlement intérieur de la procédure de QPC devant le Conseil Constitutionnel. L’alinéa 4 de l’article 4 prévoit que “The mere fact that a member of the Constitutional Council participated in the drafting of the legislative provision that is the subject of the constitutionality question does not in itself constitute a cause for recusal.” 12 Un nouveau problème juridique se pose alors, en plus de ceux soulevés par la loi ELAN : la partialité des juges constitutionnels.

La saisine du comité de conformité de la convention Aarhus : dernier volet de la saga juridique ?

Le 29 Août 2022 France Nature Environnement et deux autres associations ont fait parvenir une communication au comité de conformité de la convention Aarhus.13 Cette dernière, en date de 1998, est un accord international visant la démocratie environnementale. Ses trois grands objectifs sont : l’amélioration de l’information environnementale fournie par les autorités publiques ; la favorisation de la participation du public à la prise de décisions ayant des incidences sur l’environnement et l’extension des conditions d’accès à la justice en matière de législation environnementale et d’accès à l’information. Le respect de la Convention par les Etats-membres est assuré par le comité de conformité.

The associations’ communication alleges non-compliance by France with article 2, paragraph 5, and article 9, paragraphs 2, 3 and 5, of the Convention as regards access to justice for non-governmental organizations in planning matters and access to justice before an impartial body in cases before the Conseil Constitutionnel.

Pour le moment, la France a répondu par l’intermédiaire de sa Représentation permanente auprès des Nations Unie et estime qu’il n’y a aucun problème avec les restrictions d’accès à la justice, ni s’agissant de la partialité des juges constitutionnels.14 As the Committee has already ruled in favor of the admissibility of the request, we will have to wait several years to hear all the arguments from both sides and the Committee’s conclusions.

To be continued…


1 Marine Miller, « Hypocrisie Total : à Polytechnique, la révolte des élèves contre la major pétrolière ne faiblit pas » (Le Monde, publié le 06 juillet 2021, modifié le 06 juillet 2021) https://www.lemonde.fr/campus/article/2021/07/06/hypocrisie-total-a-polytechnique-la-revolte-des-eleves-contre-la-major-petroliere-ne-faiblit-pas_6087141_4401467.html

2 La Sphinx, « Affaire Total : La Sphinx porte plainte » (publié par le 29 Avril 2021) https://la-sphinx.fr/la-sphinx-porte-plainte/

3 Greenpeace, « Total à Polytechnique : plainte contre Patrick Pouyanné » (publié le 29 Avril 2021) https://www.greenpeace.fr/total-a-polytechnique-plainte-contre-patrick-pouyanne/

4 It translates to a suspension petition and an annulment.

5 Article L521-1 du Code de Justice Administrative.

6 LOI n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.

7 Conseil d’Etat, Décision CE n° 455122 du 31 janvier 2022.

8 It translates to the Constitutional Council

9 Ibid Considérant 4.

10 France Nature Environnement, « La France entrave l’accès à la justice des associations : nous saisissons les Nations Unies » (publié le 27 Septembre 2023)

11 Conseil Constitutionnel, Décision n° 2022-986 QPC du 1er avril 2022.

12 Conseil Constitutionnel, Règlement intérieur de la procédure de QPC devant le Conseil Constitutionnel article 4.4

13 Nations Unies, Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (signée en 1998 et entrée en vigueur 30 octobre 2001), Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 2161, p. 447.

14 France Nature Environnement, « La France entrave l’accès à la justice des associations : nous saisissons les Nations Unies » (publié le 27 Septembre 2023)

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