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Opinion

Violence des gangs: comment sortir Haïti de la crise?

Haiti, “the pearl of the Antilles”, doit faire face depuis plusieurs années à une très forte instabilité politique. Sa capitale, Port-au-Prince, est sous l’emprise des gangs qui chaque jour tuent, kidnappent, violent et instaurent un climat de terreur dans le pays. Le parlement est dysfonctionnel, le dernier chef d’État, Jovenel Moïse, a été assassiné à son domicile, et la police, sous-équipée face à des bandits surarmés, est impuissante [1]. Ceux qui y vivent ont dressé des plans divisant la ville entre les zones épargnées des gangs et celles où il ne faut jamais s’aventurer. La moindre erreur peut être fatale: plus de 60% de la ville est contrôlé par des factions armées qui n’hésitent pas à tuer froidement hommes, femmes et enfants [2]. Près de la moitié de la population souffre de la famine et le Choléra a fait son retour sur l’île [3]. En d’autres termes, Haïti est aujourd’hui confronté à une des plus grandes crises de son histoire. L’ASSEDEL fait le point sur les (très) nombreuses violations des Droits humains commises sur le territoire des Caraïbes et les solutions avancées par l’ONU et les experts.

La situation des droits humains à Haïti

À Haïti, “all human rights […] are being violated” said William O’Neill, Independent Expert on the situation [4]. The UN and Amnesty International have drawn up a list of these violations:

  • Depuis octobre 2022, 2 800 assassinats ont été dénombrés par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) [5];
  • Entre janvier et octobre 2022, ce sont plus de 1 000 personnes qui ont été kidnappées par des gangs [6];
  • En octobre 2022, le HCDH a publié un rapport qui met en évidence l’utilisation du viol et d’autres formes de violence sexuelle par les gangs comme un moyen de semer la terreur et d’étendre leur influence. De plus, les personnes de la communauté LGBTI+, qui sont souvent marginalisées et rejetées au sein de la société haïtienne, ont été particulièrement visées [7];
  • Selon le Programme alimentaire mondial, environ 4,7 millions d’Haïtiens sont en situation de crise ou d’urgence alimentaire [8];
  • D’après Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, une personne sur deux à Haïti n’a pas d’accès régulier à l’eau potable [9];
  • La liberté de la presse est également gravement menacée. Les défenseurs des droits humains et les journalistes qui opèrent sur l’île exercent leur profession au péril de leur vie. En septembre 2022, deux journalistes qui enquêtaient à Cité Soleil ont été assassinés, et leurs corps ont été incendiés, comme en a fait état le Comité pour la protection des journalistes [10];
  • De nombreux demandeurs d’asile haïtiens ont été contraints de quitter le pays par voie maritime, ce qui a entraîné des tragédies de noyades. [11].
Une intervention humanitaire va avoir lieu

Au-delà de la violence elle-même, l’ONU déplore l’impunité des gangs sur le territoire. Entre autres, l’affaire de l’assassinat du dernier président Jovenel Moïse n’avance pas et l’insécurité des juges est un problème [12]. Pour faire face à cette situation dramatique, le Conseil de sécurité des Nations Unies a autorisé l’envoi d’une force multinationale à Haïti le 2 octobre dernier [13]. Les objectifs: le rétablissement rapide et durable des institutions publiques dans les zones exemptes de gangs, une réforme profonde du système judiciaire et pénitentiaire et la traduction en justice des auteurs de ces crimes à Haïti [14]. Il est aussi considéré comme essentiel de renforcer la coopération internationale pour intensifier les contrôles aux frontières en vue d’éradiquer le commerce et le trafic illégal d’armes [15]. Cette force multinationale composée de policiers et de militaires sera conduite par le Kenya [16].

Une réponse insuffisante?

While the Kenyan multinational force is a source of hope for the international community, some experts remain highly sceptical about the chances of success of the blue helmets in Port-au-Prince. ASSEDEL asked Jean-Marie Théodat – a lecturer at Panthéon-Sorbonne University and founder of the Laboratoire des Relations Haïtiano-Dominicaines – for his views on the matter.

“The Kenyan solution is neither sufficient nor credible”, says the expert. “Insuffisante for several reasons. Firstly, because 1,000 police officers will not be enough to keep at bay the 150 gangs, made up of several dozen members, that are sowing terror in the Haitian capital; these police officers are not armed to take on individuals with an arsenal of war. What’s more, a one-year operation is not enough to pacify the scene. The previous UN mission lasted 13 years, with the result we know: as soon as the peacekeepers left, the gangs were back in action”.

“Not credible means that Haitians do not feel confident. Kenya appears to be the last available contender to lead the UN force after all the countries that could have, and should have, taken the lead on this issue for reasons of obvious geographical and historical proximity (e.g. the USA, France, Canada, Brazil, etc.). Kenya is doing so in exchange for substantial financial aid. Haiti appears to be a bargaining chip between the USA and a reliable ally. At a time when the USA is seeking to reposition itself in the Indo-Pacific, Kenya is a strategic anchor. What’s more, the previous stabilisation and intervention missions in which Kenya has been involved around the world (Kosovo, Sierra Leone, Somalia) have not been entirely effective in this area.

“To be credible, such a mission must be accompanied by a legal component to clean up the political, economic and social scene. The gangs are the manifestation of the mafia networks that have taken control of the metropolitan territory, and whose tentacles also extend to the provincial towns. The Augean stables must be cleaned out to make way for the new republic. If the Kenyan mission could help in this, ce serait un miracle.”.

Laurent Dubois, in his article for MSNBC [17], is no more optimistic about the UN’s response. In his view, the situation in Haiti will only improve if the United States adopts a more open immigration policy. Historically, Haitians have been particularly badly treated by US immigration policy. They have rarely been granted refugee status despite the horrors they have faced [18]. Between September 2021 and May 2022 alone, the US authorities repeatedly used the “Title 42” mechanism to deport more than 25,000 individuals of Haitian origin to their country of origin [19]. Yet the adoption of a more open immigration policy would offer Haitians access to employment, security and educational opportunities that are very limited in their country of origin. The most effective form of foreign aid already comes from migrant remittances, which directly support Haitian families and communities. Contrary to popular belief, many Haitian migrants choose to earn money in the United States and then return home to invest in their native country. This phenomenon would spread if they were allowed to travel freely between Haiti and the United States. This lack of opportunities fuels the recruitment of young people into armed groups and keeps people trapped in a difficult situation [20]. Given the urgency of the problems in Haiti, it may seem paradoxical to focus on long-term decisions and policies. However, given the ineffectiveness of the UN’s actions between 2004 and 2017 and the concern surrounding the new Kenyan multinational force, it is necessary to imagine, right now, a political action that has a real chance of profoundly transforming the situation of the Haitian people.


[1] BBC (2022), “Haiti: Inside the capital city taken hostage by brutal gangs” https://www.bbc.com/news/world-latin-america-63707429

[2] BBC (2022); Le Monde (2023), “Le Kenya prend la tête de la future force en Haïti, à la demande des Etats-Unis” https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/10/02/le-kenya-prend-la-tete-de-la-future-force-en-haiti-a-la-demande-des-etats-unis_6192062_3212.html

[3] BBC (2022)

[4] ONU Info (2023), “La situation des droits humains en Haïti est dramatique, selon un expert” https://news.un.org/fr/story/2023/06/1136552

[5] Le Monde (2023), “Le Kenya prend la tête de la future force en Haïti, à la demande des Etats-Unis” https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/10/02/le-kenya-prend-la-tete-de-la-future-force-en-haiti-a-la-demande-des-etats-unis_6192062_3212.html

[6] BBC (2022)

[7] Amnesty International (2022), “Haiti: the human rights situation” https://www.amnesty.org/fr/location/americas/central-america-and-the-caribbean/haiti/report-haiti/

[8] ibid.

[9] ONU Info (2023), “La situation en Haïti est désespérée mais il est possible de renverser la donne, selon l’ONU” https://news.un.org/fr/story/2023/02/1132197

[10] Amnesty International (2022)

[11] ibid.

[12] Le Monde (2023), “Haïti : la situation de crise face aux violences, à l’impunité et à la corruption ” s’est encore aggravée “, selon l’ONU” https://www.lemonde.fr/international/article/2023/09/27/haiti-la-situation-de-crise-face-aux-violences-a-l-impunite-et-la-corruption-s-est-encore-aggravee-selon-l-onu_6191315_3210.html

[13] Le Monde (2023), “Le Kenya prend la tête de la future force en Haïti, à la demande des Etats-Unis” https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/10/02/le-kenya-prend-la-tete-de-la-future-force-en-haiti-a-la-demande-des-etats-unis_6192062_3212.html

[14] Le Monde (2023), “Haïti : la situation de crise face aux violences, à l’impunité et à la corruption ” s’est encore aggravée “, selon l’ONU”

[15] ibid.

[16] Le Monde (2023), “Kenya takes the lead of the future force in Haiti, at the request of the United States”.

[17] MSNBC (2023), “Haitians need an open door more than a military intervention”.

[18] ibid.

[19] Amnesty International (2022)

[20] MSNBC (2023)

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